Félix Eboué (1884-1944)

 

"Gouverneur général de l'Afrique Equatoriale Française et membre du conseil de l'ordre de la libération en janvier 1940, il est l'un des moteurs de la libération de la France".

Félix Eboué

 

Ce Guyanais, Gouverneur de la Guadeloupe de 1936 à 1938, effectua un minutieux travail de restauration dans l'île afin de redonner à la Guadeloupe sa place dans le monde tant du point de vue économique que social.

Il reste l'une des figures les plus marquantes de la politique guadeloupéenne. En 1908, il entre à l'Ecole des Administrateurs des Colonies, son travail et son sérieux reconnus, il est très rapidement nommé à de très hautes fonctions. Au début, mais aussi à la fin de sa carrière, il s'illustrera en Afrique Equatoriale Française et c'est en 1928 qu'il adhéra à la ligue des Droits de l'Homme.

En 1936, quand il devient gouverneur de la Guadeloupe, le journal intitulé "Petit Journal" invoquera sa mutation en ces termes: "Le premier gouverneur 100% noir".

Il aura donc à cœur de stopper la crise économique qui secoue l'île, durement touchée par les fluctuations du prix du sucre (la principale culture dans l'île). La misère et l'augmentation du coût de la vie incitent aux émeutes. De multiples grèves durement réprimées finissent par entraîner le soulèvement du peuple.

Léon Blum et le Front populaire arrivent au gouvernement et permettent à Félix Eboué de mettre en application les réformes sociales du Parti. Avec sa devise «Légalité, Neutralité, Égalité», il met un terme aux nombreuses fraudes électorales, nomme des inspecteurs du travail chargés de la sécurité et de l'hygiène dans les entreprises, permet la création de syndicats, rendant ainsi leur dignité aux travailleurs.

Par ailleurs, tous les excès d'autorité policière sont durement réprimés. Il devient homme de terrain, se rendant sur les lieux de conflits afin d'y mettre fin par la diplomatie. De la grève, il dira: «On ne se met pas en grève alors qu'aucune doléance n'a été formulée (...). J'emploierai tous les moyens que me donne la loi pour que tout se passe dans la légalité la plus stricte» déclare t-il lors d'un conflit ouvrier au Boucan Sainte-Rose.

 

Le Gouverneur Félix Eboué a instauré en Guadeloupe le minimum vital, la création de logements sociaux, l'aménagement des réseaux routiers, la petite propriété agricole, et l'accentuation de la formation technique. On aime à se rappeler de lui comme étant celui, qui en deux années, a redressé les finances de l'île.

«La Guadeloupe si riche en beautés naturelles peut et doit devenir un des pôles du grand tourisme» dira Félix Eboué, en proposant de développer les principales caractéristiques touristiques de l'île à travers des syndicats d'initiative.

Du sport qu'il jugera comme essentiel, il dira: «Jouer le jeu, c'est savoir tirer son chapeau devant les authentiques valeurs qui s'imposent par la qualité de l'esprit, et faire un pied de nez aux pédants et aux attardés (...) Comme André Gide le fait à la fin de ses Nourritures terrestres, je ne devrais pas vous dire d'oublier tout ce que je viens de vous exposer, pour vous réaliser dans le libre jeu que vous aurez vous-mêmes choisi!» et pour se faire, il entreprendra la construction de nombreuses infrastructures destinées au sport.

En 1938, son travail étant reconnu, il est nommé au Tchad et c'est avec beaucoup de tristesse que les Guadeloupéens conscients de la grandeur de l'homme, le laissent partir pour l'Afrique. Il quittera la Guadeloupe sous les clameurs du peuple.

Du Tchad, il fera un pays incontournable lors de la 2e guerre mondiale. Il crée une armée de 900000 hommes, contre l'avis  des autres gouverneurs  blancs de l'AEF ( Afrique-Equatoriale Française de 1886 à 1960) et sera le premier à répondre à l'appel du Général de Gaulle. Aujourd'hui on ne cesse de dire que la France à été sauvée par le débarquement des américains et non dans le desert de libye à Bir Hakeim sous la direstion de Mr Félix Eboué.

Ironie de l'histoire, le peuple d'Afrique allait sauver la France. Pour ce faire, Félix Eboué mettra tout en œuvre pour lever une armée parmi le peuple noir d'Afrique. Ainsi, depuis Brazzaville (capitale de la France Libre), il fera construire des aéroports, des ports, des routes, des ponts, facilitant l'acheminement des armes, des matériels, et des vivres nécessaires à ses soldats présents en grand nombre dans le désert. Il sera reconnu comme celui qui, depuis l'Afrique Équatoriale française, a apporté l'assistance nécessaire à la France.

L'effort de guerre, incitant la mobilisation du peuple Tchadien, connut peu de résistance. En plus de ses ressources minières, le Tchad fournira 40 000 de ses hommes qui seront bien sûr envoyés au front, on les retrouve dans les Ardennes, dans la poche de Royan et sur d'autres fronts.

 

C'est au Congo que l'on rencontre la plus grande résistance contre cet enrôlement de force. Matsouani, leader du mouvement congolais avait déjà compris que la France ne serait pas reconnaissante du sacrifice fait par les fils d'Afrique venus la libérer.

Effectivement après la Guerre, les fils d'Afrique commenceront à s'interroger sur la reconnaissance de la France, sur la l'égalité et la liberté  promises. De cette interrogation naîtront des mouvements de contestation qui rappelleront à la France ses promesses et son ingratitude. Pour noyer ce mouvement, la France mettra en place la répression coloniale qui entraînera de nombreux massacres dans les colonies. L'histoire retiendra ceux de Rabat, de Thiaroye au Sénégal en 1944, de Sétif en Algérie en 1945 et de Madagascar qui fit 90 000 morts en 1947, mais dans bien d’autres colonies, le sang fut versé en récompense de l'effort de guerre.

Eboué estimait qu'il était préférable pour la France de tenir compte des réalités culturelles de l'Afrique afin de mieux faciliter son ouverture vers d’autres civilisations. Mais sa conception des choses se heurtait au passé esclavagiste de la France.

En 1941, il est condamné à mort par contumace par le gouvernement de Vichy, mais c'est en 1944 et au Caire qu'il s'éteindra.

1946 voit naître les prémices de l'Union Française, mais ce n'est que 15 années plus tard que cette conception anticolonialiste née de la Charte de l'Atlantique, prendra forme. De Gaulle et Churchill cèderont devant les forces politiques et les entreprises coloniales farouchement opposées à l'accès à la liberté des peuples noirs, intérêts économiques obligent.

De Félix Eboué on retiendra qu'il fut gouverneur général de l'Afrique Equatoriale Française, socialiste, franc-maçon, membre de la Ligue des droits de l'homme et du citoyen, premier résistant de France, sauveur de la France libre. On voudrait certes donner à la résistance londonienne un rôle grandiose, mais c'est depuis l'Afrique que s'est joué le sort de la France.

En 1948, Gaston Monnerville, alors Président honoraire du Palais du Luxembourg, fait transférer ses cendres ainsi que celles de  Victor Schoelcher, humaniste et législateur de l'Abolition de l'Esclavage en 1848, au Panthéon.

  

Shenoc le 16/07/2006

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